“La plupart des Chiites africains ne jouissent pas des mêmes droits et libertés que les autres citoyens"

9:09 - August 07, 2019
Code de l'info: 3470258
Dans un entretien, le Cheikh Chérif Mballo raconte sa découverte de l’islam chiite et donne un aperçu de la communauté chiite au Sénégal.
Le Cheikh Chérif Mballo est le Président du Conseil Supérieur des Chiites Ahloul Beyt (A.S) au Sénégal et Président-Fondateur de l’Association Ali Yacine. Il est actif dans différents domaines y compris les consultations médicales gratuites, la distribution alimentaire et l’appui scolaire.
 
Cheikh Mballo met l’emphase sur l’harmonie et la compréhension qui existe entre les membres des communautés chiite et soufie au Sénégal, se focalisant surtout sur les éléments qui les unissent. Il donne ses perspectives sur la politique, les défis mondiaux et l’importance de l’éducation.
 
Nous souhaiterions avoir quelques éclairages sur les activités des Chiites ainsi que les différents Centres et quels sont les services qu’ils offrent?
 
Au Sénégal, il y a des associations d’obédience chiite qui oeuvrent d’une façon ou d’une autre pour la vulgarisation du Chiisme au Sénégal.
 
Pour être au diapason des normes voulues afin de jouer un rôle majeur dans la promotion des Enseignements du Chiisme au Sénégal que le principaux mouvements tels que: Le Conseil Supérieur des Chiites Ahloul Beyt (as) du Sénégal, fondé par des Sénégalais autochtones « Majlis Ouléma Ahl ul Bayt (as), créée par Cheikh Abdoul Monet ALZEIN, et l’Institut Mozdahir International, fondé par Mohamed Ali HAIDARA coordonnent leur action au moins d’œuvrer pour unifier leurs actions en vue d’une bonne représentation au sein de l’opinion Sénégalaise afin de mieux défendre les intérêts de la petite communauté chiite du Sénégal à cause de leurs divergences subjectives d’aucune importance face à l’urgence de se faire connaître et de jouer un rôle plein et entier dans la société sénégalaise.
 
Il est à noter que chacun de ces mouvements associatifs déroulent selon sa stratégie une série d’activités éducatives, culturelles et religieuses qu’il juge conforme et nécessaire pour la promotion des Enseignements de Ahloul Beyt (as).
 
Etes vous au courant de la situation des Chiites des autres pays africains?
 
Ah oui, nous sommes très au courant de la situation des frères et soeurs des autres pays d’Afrique et vivons au jour le jour leur bonheur comme aussi leur souffrance ou malheur. Je vous rappelle que le Sénégal, mon pays dont Dakar est sa Capitale, a été depuis très longtemps au temps du Colon français, la Capitale des pays d’expression française en Afrique de l’Ouest. Ces pays étaient: le Sénégal, le Mali, le Bénin le Burkina Faso, le Niger le Togo, et la Guinée-Conakry.
 
Toute les communautés chiites d’Afrique sans exception vivent dans la pauvreté, dans la misère, et le sous développement à l’image du monde musulman malheureusement. Ce monde musulman qui regorge la quasi-totalité des ressources humaines et naturelles du monde ( pétrole, gaz, uranium, fer, or, diamant,zircon …)
 
A votre avis comment évaluez vous les politiques en Afrique et surtout l’influence du Wahhabisme et du Sionisme à travers différents pays du Continent et quel est l’avenir de la zone que vous prévoyez ?
 
Le processus de démocratisation en Afrique a permis dans tous les pays l’instauration du multipartisme, du pluralisme politique, économique et syndical, l’organisation d’élections disputées, la rédaction de nouvelles constitutions et leur adoption par référendum; bref, l’organisation de la vie démocratique.
 
L’effervescence qui a accompagné ce processus était telle que certains observateurs n’ont pas hésité à annoncer le caractère irréversible de la démocratie pluraliste au plan universel, et en particulier en Afrique.
 
Les conférences nationales initiées en Afrique au début des années 1990, à la suite de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement des pays communistes de l’ancien bloc de l’Est, ont inauguré la vague de démocratisation .
 
A signaler que le processus de démocratisation avait déjà été enclenché plus tôt dans un certain nombre de pays africains (Sénégal, Gambie, Cap-Vert, île Maurice, Lesotho, par exemple). Mais la plupart des pays africains l’ont lancé au début des années 1990 selon deux modalités différentes.
 
D’une part, Les conférences nationales, faut-il le rappeler, sont une invention, une contribution africaine à la théorie de la démocratisation. Ces assises politiques imposées par les mouvements d’opposition aux pouvoirs établis, composés essentiellement d’organisations de la société civile, se sont soldées par des résultats variables.
 
Je prends le cas du Sénégal, qui est un pays d’une continuité politique remarquable, n’ayant jamais connu de rupture inconstitutionnelle ou brusque dans sa vie politique. La principale particularité du Sénégal est certainement d’avoir expérimenté presque sans discontinuité le multipartisme qui fut la règle dans l’évolution politique du Sénégal contemporain. Du parti unique de fait et non de droit puisque le pluralisme a toujours été inscrit dans la constitution, le système politique a évolué vers le multipartisme limité d’abord à trois, ensuite à quatre partis politiques, et enfin, vers le multipartisme intégral depuis 1981. Le respect des libertés publiques et individuelles et notamment celle de la presse y est garanti. Les Sénégalais ont commencé bien avant leurs voisins l’apprentissage du jeu démocratique pluraliste. Aussi, à bien des égards, le Sénégal est un pays dont le parcours paraît assez singulier comparé à beaucoup d’autres pays africains. Ce qui lui a valu le label « d’exception », de « vitrine démocratique », d’ « oasis démocratique » dans un désert d’autoritarisme. Ce statut démocratique particulier qui lui est décerné par la doctrine africaniste et les observateurs des processus politiques africains demeure une réalité.
 
Depuis 1963, le régime politique sénégalais fait du Président la clef de voûte des institutions, l’épicentre du pouvoir, celui qui décide de tout sans que sa responsabilité soit envisagée. Aussi, la première réforme majeure requise par le système politique et visant la consolidation des institutions semblent donc être la nécessité de rationaliser l’institution présidentielle et d’aménager des mécanismes de contrepoids à celle-ci. Nonobstant les critiques récurrentes du présidentialisme et en dépit de la nécessité de plus en plus évidente de rééquilibrage des institutions, le Sénégal est incontestablement une démocratie ayant fait ses preuves en matière de stabilité politique, de respect des droits humains, de liberté de la presse, de routinisation du rituel électoral et d’apprentissage de l’alternance politique survenue en 2000. Cependant, il est de plus en plus évident que des réformes du système politique et constitutionnel s’imposent pour moderniser et consolider l’expérience démocratique sénégalaise. La nécessité de telles reformes découle de l’observation de la fréquence de l’instrumentalisation des Constitutions, de la domination du jeu des institutions par la figure du président, de la forte présence du coefficient personnel dans le fonctionnement des institutions qui révèlent la faiblesse de celles-ci, de la persistance des tensions qui précédent ou accompagnent les processus électoraux, de la centralisation des ressources du pays dans la capitale au détriment de la périphérie, de la fragilité économique et institutionnelle de la société civile et des médias.
 
En ce qui concerne l’influence du Wahhabisme en Afrique on peut dire bien que la diffusion du wahhabisme en Afrique remonte aux années 1960, c’est l’avènement du pluralisme politique dans les années 1990 dans de nombreux États africains qui a permis à l’Arabie saoudite de renforcer son offensive idéologique sur le continent. Alliant prédication et actions sociale et humanitaire, les ONG islamiques, les organisations transnationales musulmanes et les fondations saoudiennes ont investi financièrement et idéologiquement le continent africain souvent avec la complicité des États pour imposer leur interprétation conservatrice de l’islam, outil par excellence de la “diplomatie religieuse” des Saoud.
 
Après des décennies d’une stratégie, d’influence ininterrompue, le Royaume saoudien peut désormais s’appuyer sur ses relais locaux pour saper les bases des hiérarchies traditionnelles de l’islam africain, combattre les confréries soufies et bannir les pratiques religieuses ancestrales. Les nouveaux adeptes africains du wahhabisme formés dans les universités du Golfe s’opposent ouvertement aux institutions maraboutiques afin d’assujettir l’espace public aux normes spirituelles rapportées d’Arabie saoudite.
 
En ce qui concerne l’influence sioniste en Afrique, il est à noter que longtemps, la cause palestinienne constituait une divergence indépassable entre Israël et l’Afrique. Mais l’entité sioniste a su se rendre utile à de nombreux régimes, notamment pour les questions sécuritaires. Des liens discrets, mais concrets, avec certains États-clés tels que le Sénégal, la Cote d’Ivoire, le Maroc, l’Egypte, le Kenya, l’Ouganda, Le Nigeria,  le Togo, le Tchad, l’Ethiopie… lui laissent espérer nouer des relations économiques et politiques toujours plus étroites.
 
L’Afrique est actuellement la deuxième région la plus inéquitable au monde. Les trois quarts de la population jeune vivent avec moins de 2 $ par jour. La pauvreté touche prioritairement les jeunes et les femmes dans les zones rurales ce qui fait d’elle, une proie facile et une terre très fertile pour le wahhabisme et le sionisme pour le présent et pour un avenir proche si on y prend pas garde.
 
Malgré qu’en perspectives, du fait de son explosion démographique, l’Afrique verra de toute façon sa place dans le monde bouleversée au XXIe siècle. De nombreuses opportunités se présentent ainsi: urbanisation à grande échelle, révolution verte, bouillonnement entrepreneurial… La transition a déjà commencé. La croissance récente, très dynamique, doit cependant être soutenue de manière durable par les politiques d’investissement, mais elle dépend également avant tout de la stabilisation politique des différents pays. Dans les préoccupations géopolitiques, les autres régions émergentes polarisent souvent l’attention du reste du monde. À l’heure actuelle, ce serait néanmoins une grande erreur, en particulier de la part du reste du monde, que de négliger ce continent. C’est dès aujourd’hui qu’il faut s’intéresser de très près à l’avenir de l’Afrique.
 
Avez vous quelques informations au sujet de Cheikh Zakzaky?
 
Oui, j’en ai beaucoup. Je suis au jour le jour, ses activités. Cheikh Ibrahima Zakzaky est un frère et un ami de longue date. On s’est connu précisément depuis 1991 et depuis cette date, nous  avons toujours participé ensemble dans des conférences et rencontres internationales à Téhéran même. J’ai été la première personne à alerter l’opinion publique internationale par l’entremise du Directeur Régional d’alors de l’Afrique de l’ouest et du Centre de l’AMNESTY INTERNATIONAL, M. Alioune TINE qui est de nationalité sénégalaise. C’est lui qui a prit automatiquement le dossier de Cheikh Zakzaky et donner ordre aux agents qui travaillent pour le compte d’Amnesty International au Nigeria de faire des enquêtes sur la situation de Cheikh Zakzaky et de ses partisans injustement incarcérés par les autorités nigériannes. Et d’ailleurs par mon entreprise, de très hautes autorités religieuses et politiques sénégalaises se sont impliquées et se sont même déplacés jusqu’ au Nigeria pour discuter avec les hautes autorités de ce pays pour la libération de Cheikh Zakzaky et l’ouverture de négociation pour un apaisement et le retour de la paix au Nigeria.
 
Les Chiites au Nigeria ne jouissent plus de libertés de culte, ils ne sont plus dans la sécurité comme il se doit dans une Démocratie et dans leurs propres pays, ce qui est une violation flagarante des chartes et conventions internationales signées par ce même pays.
 
Et cette situation ne fera qu’exacerber les conflits qui continuent de sévir dans le nord-est du pays, les cycles de violence communautaire entre bergers et fermiers et des manifestations séparatistes dans le Sud sont autant d’événements qui ont défini l’actualité des droits humains du Nigeria.
 
Nous pouvons dire sans risque de se tromper que la plupart des Chiites originaires de pays africains ne jouissent pas les mêmes droits et des libertés comme le reste de leurs concitoyens surtout sous des régimes politiques moins tolérants influencés par le pouvoir  grandissant du Wahhabisme grâce a ses financements et du Sionisme, grâce aux promesses chimériques qu’ils leur font croire.
 
Quel est le message que tu vas lancé aux Chiites de votre pays ainsi que de ceux des pays d’expression française?
 
Mon message est ceci; Soyons unis et persévérants, solidaires et entreprenants. Et de ne pas se laisser à la traine. Pour qu’une Communauté puisse trouver sa Dignité, il est impératif, qu’elle face des sacrifices allant de l’éducation à la recherche de richesse morale, intellectuelle et matérielle pour assurer sa survie et marquer  son empreinte positive pour la continuité de son message. Nous devons renforcer les liens qui nous unissent loin de tout qui pourrait nous désunir, cultiver la compréhension mutuelle, pour une Communauté Chiite unie et soudée au dela des frontières artificielles.
shafaqna
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